Après notre expérience quelque peu éreintante du bus birman, on a décidé de se lancer un nouveau défi : le bateau pendant 12 heures pour rejoindre Mandalay depuis Bagan en remontant l'Irrawady ! A la Courson Cie, rien d'impossible.
On décolle donc à ....4h15 du matin de notre cocon de Bagan, pour s'élancer sur les flots de l'Irrawady, fleuve qui prend sa source au Tibet et traverse toute la Birmanie. La majorité de la population birmane habite sur les bords de ce fleuve gigantesque, source de vie, de pêche, de transport, d'habitat et de culture aujourd'hui menacés par la construction d'un gigantesque barrage pour les besoins électriques de la Chine voisine...
Le bateau est archaïque, mais tant qu'il ne coule pas... D'un côté, le fleuve n'est pas profond, le risque n'est pas de couler mais de s'échouer sur les bancs de sable à fleur d'eau. Mais notre capitaine s'y connait.
La remontée du fleuve est lente (10 heures pour 170 km, même contre le courant ça ne fait pas une grosse moyenne...), et laisse tout le loisir de s'imprégner de son paysage. Les cahutes (pas d'autre mot pour qualifier les maisons en bambou de pêcheurs) se succèdent, certaines organisées en village, d'autres solitaires. Vu l'état, ça laisse imaginer le dénuement dans lequel vivent les pêcheurs. Pourtant, c'est beau et simple. Les femmes lavent leur linge dans le fleuve, les hommes pêchent, les enfants jouent... Vie simple en apparence mais là aussi, on imagine que tout ne doit pas être facile tous les jours...
Nous croisons aussi d'énormes péniches qui transportent de non moins énormes troncs de teck. On imagine aisément que dans quelques années, l'état de la forêt de teck de la Birmanie sera le même que celui de la Thaïlande, c'est à dire complètement dévasté. C'est effarant de voir ces arbres si nobles se faire raser pour enrichir la junte et ses pseudo hommes d'affaires, quand on sait qu'il faut 200 ans pour qu'un arbre atteigne les tailles de ceux que l'on voit transportés.
Mandalay est célébre, on ne sait trop pourquoi, pourtant dans chaque tête, son nom résonne comme quelque chose de connu. Après recherche, Mandalay, c'est, suivant le référentiel culturel de chacun, connu pour "On the road to Mandalay", poème de Rudyard Kipling, chanson de Frank Sinatra ou reprise de Robbie Williams...
On est assez déçus. La ville est bruyante, plein de poussière, des motos partout, des coups de klaxons, et bizarrement foutue : à l'américaine avec des rues à angle droit qui portent des numéros, comme aux États-Unis. Pas vraiment une ville d'ambiance non plus, ce qui nous avait plu à Rangoon, plutôt une grande ville grouillante sans beaucoup d'âme, ou plutôt qui l'a perdue dans les bombardements de la WWII (les Japonais avaient pris la ville, les Anglais l'ont bombardée pour la récupérer), et les tremblements de terre récurrents au XXème siècle.
On trouvera quand même quelques temples sympas (dont un qui bénéfice du titre de plus grand livre du monde suite à l'écriture sur près de 800 stèles abritées chacune dans une stupa de l'ensemble de la parole de Bouddha), quelques gargotes authentiques et des artisans charmants, les enfants ont adoré regarder les sculpteurs tailler leur bûche de bois en statue en quelques coups de burin ou les faiseurs de feuille d'or aplatir la pépite en la martelant inlassablement jusqu'à ce qu'elle devienne fine de quelques microns, prête à venir recouvrir les bouddhas du pays. Et on réalisera aussi pourquoi Mandalay est la capitale religieuse du pays, il y a des bonzes et surtout des bonzesses à tous les coins de rue !
Le cœur de Mandalay devait être superbe, notamment le palais des rois locaux, tout en teck finement sculpté, mais malheureusement, les bombes anglaises en ont décidé autrement, pour ce qui reste une des plus grandes pertes de l'histoire, selon les experts.
L'intérêt de la ville est surtout dans les cités impériales environnantes, qui ont toutes été capitale de la Birmanie à un moment ou à un autre, et ce seulement à quelques km d'écart (5 capitales tout de même sur un rayon de 40 km !).
Notre préférée des villes alentours reste l'île artificielle d'Inwa, les enfants pour l'avoir arpentée en calèche avec notre cheval Minnie (même lorsqu'on arrivait devant un petit palais ou un bout de temple, ils préféraient rester discuter avec Minnie que venir avec nous...), et nous parce que c'est vraiment perdu, très agréable, et que ça change des autres temples et stupas que l'on a déjà vus... Lorsque la ville a perdu son statut de capitale, le roi du moment a démonté tous les bâtiments en bois, pour utiliser le dit bois pour construire la nouvelle capitale... Il ne reste donc que peu de choses hormis un superbe monastère en teck, noirci au pétrole datant du XIIIème Siècle. Un petit bijou.
Le lendemain, c'est une grande fête pour les bouddhistes. En Thaïlande, c'est Loy Khratong (la fête des lumières), ici aussi c'est une grande fête. La veille, les habitants font la quête et des shows sur le bord des routes afin de récolter de quoi payer les "trousseaux" des moines. Le jour même, c'est la grande fête de la pleine lune.
C'est évidement un jour férié. On avait hâte de voir ça, et on est descendu vers le fleuve pour aller observer ça de plus près. Et bien chou blanc. Et même pire. Tout étant fermé et l'animation nous a filé entre les doigts. On cherche désespérément autour des temples, mais là encore, rien. Tout doit se jouer la nuit, en haut de la colline sur les hauts temples. Mais après avoir couru toute la journée, on est bien trop fatigués pour essayer l'ascension. Tant pis ! Surtout qu'il faut refaire nos sacs, on quitte demain la Birmanie, retour en Thaïlande et direction la mer pour l'anniversaire de Salomé : glandouille deux jours à Rayong !